Quel est le sens de ce blog ?
Advertising désigne ici à la fois un objet ou un champ de recherche historique - l’histoire de la publicité - et une action - faire la promotion de la discipline historique en général. Ce qui recouvre, d'une part, une posture épistémologique - réfléchir sur les enjeux, les difficultés, les méthodes, la démarche et les règles à suivre dans le cadre d’une approche historique de la publicité, et du visuel en général - et, d'autre part, une posture « civique », visant à défendre le territoire de l’historien, dans une société et à une époque où l’histoire semble la cible de deux menaces, a priori contradictoires mais constituant peut-être les deux faces d'une même pièce : parent pauvre de l’enseignement, étouffée voire menacée d’expulsion des programmes scolaires ; mais en même temps, enjeu de multiples récupérations et d’usages concurrents, mémoriels ou politiques - en témoignent la controverse sur la lettre de Guy Mocquet ou les diverses « lois mémorielles »…
Cette double exigence épistémologique et civique, s’enracine dans la triple dimension de l’opération historiographique telle que la définit Michel de Certeau[1], pour qui l’histoire est à la fois
(1) un lieu social et une industrie : ce blog s’efforçant alors d’expliciter autant que possible la relation de l’historien au corps social, pour la tirer du non-dit où elle reste trop souvent confinée, et de faire pénétrer le lecteur dans la « fabrique de l’histoire », dans le laboratoire de l’historien, de présenter son travail comme un work in progress et un processus jamais achevé, plutôt que d’en livrer le résultat, le produit fini, poli et dépouillé de ses « impuretés » - fétiche qu’un lecteur angoissé trouvera plutôt sous la forme des mémoires de maîtrises, des thèses de doctorat, ou des ouvrages scientifiques classiques qui ornent librairies et bibliothèques, et qui dissimulent malicieusement les tâtonnements, les difficultés, les imprévus, le caractère laborieux et la trajectoire non linéaire de la recherche historique
(2) une pratique, toujours médiatisée par la technique, ce qui conduit l’historien à s’interroger sur l’état de l’archivistique et du dispositif technique dont il dispose à l’époque où il écrit, et plus récemment et plus précisément à réfléchir sur son rapport à la révolution de l’informatique et aux données numériques (digital archives, hypertext history)
(3) une écriture : qui nous mène à une interrogation sur le régime de « vérité » du récit historique, sur l’outillage rhétorique dont dispose l’historien pour écrire l’histoire, sur la manière dont nouvelles technologies peuvent altérer les modes « traditionnels » d’écriture de l’histoire, sur la possibilité, notamment, d’écrire une histoire visuelle, qui se déploierait à partir d’images, les saisissant d’une part comme sources et documents historiques ; comme un nouveau matériau scripturaire, un nouveau langage, une nouvelle grammaire, d’autre part, aboutissant au déroulement de visual narratives, sans oublier la nécessité, toujours, d’articuler ces sources et ce langage visuels aux sources littéraires et au langage plus « traditionnel » des mots.
Last but not least : au croisement de ces trois dimensions se dresse la figure du lecteur et la question de la réception du discours historique : l’auteure est soucieuse de promouvoir une histoire vivante et interactive, ouverte à ses réactions et favorisant sa participation active à la construction du récit historique.
Ce blog voudrait être un premier pas vers un projet plus ambitieux à terme, peut-être aussi utopique que la bibliothèque hypertextuelle, universelle et démocratique « Xanadu » rêvée par Theodor Nelson en 1965 : celui de constituer une plateforme de lancement d’une recherche interdisciplinaire sur la publicité, se présentant comme une base de données, donnant accès à des archives et des documents numériques, proposant des ressources bibliographiques, des essais, des liens vers d’autres blogs et d’autres sites, et ouverte aux contributions extérieures et au partage de données. Il s’agirait bien entendu d’une plateforme gratuite, dans le souci de résister à l’émergence rapide du Web privé, de maintenir et d’étendre un Web visible, public et ouvert, accessible au plus grand nombre.
[1] Michel de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975.
Superbe édito d'ouverture !
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